Normandie et îles Anglo-Normandes, jour 4

Genêts – Carolle

Le long de la baie

Je fus kidnappé une bonne heure par mon couple d’hôtes. Jeunes retraités charmants, ils restèrent avec moi tout le déjeuner à échanger sur les voyages et la région. Le mari avait beaucoup voyagé sac au dos dans sa jeunesse et parlait de ses périples avec une nostalgie touchante. Actuellement, ils continuaient à explorer le monde parfois pendant longtemps grâce à un système d’échange de maison. Parents de deux enfants déjà loins depuis quelques années, ils avaient cette attention et cette hospitalité propre à ceux qui éprouvent un plaisir sincère à recevoir. J’éprouvai quant à moi un réel plaisir à discuter. Ce n’était finalement que la première fois depuis l’avant-veille que j’avais un véritable échange. Je m’extirpai enfin pour ne démarrer ma marche qu’à 10 heures sous un soleil radieux et un vent froid et soutenu.

Des sentiers côtiers entre Genêts et Saint-Jean-Le-Thomas, en passant par le Bec d’Andaine, me firent admirer la baie et les grandes plages de sable. J’avais rejoint l’océan là où il ne s’en va jamais, même par grande marée. Je m’épuisais sur le sable en profitant de l’air frais marin. Plusieurs personnes en ballade, visiblement pas des touristes, me dirent en rigolant que le pèlerinage était dans l’autre sens. Visiblement, la tradition du pèlerinage vers le Mont-Saint-Michel est encore vivace. Je leur expliquais alors mon programme et, en un mot, ils me répondaient « C’est très bien aussi » avant de me souhaiter la bonne route. Les Normands que j’ai croisés jusqu’ici, en faisant abstraction du Mont-Saint-Michel, sont des gens discrets et attentifs. Les rencontres, même brèves, étaient toujours gratifiées d’un sourire chaleureux.

Après un détour pour découvrir Saint-Jean-Le-Thomas, le sentier gravissait les falaises qui s’élèvent au-dessus de l’océan. Jusqu’à la cabane à Vauban, je m’extasiais d’une vue complète sur la baie. Tombelaine passait devant le Mont et la marée descendante dévoilait les étendues ensablées dont les dimensions semblaient encore plus immenses vues de loin. Devant moi, j’apercevais les îles Chausey qui seraient la destination de mon dernier jour de navigation dans presque une semaine. La pointe du Groin en face et un phare en pleine mer limitait l’échappée infinie de l’océan. Je m’arrêtai un long moment à contempler cette vue au pied de la cabane à Vauban, ancien poste de guet de la baie. Comme lorsque je me retrouve sur un sommet tel que la Dent de Jaman, ou au bord du Roraïma au Vénézuela, devant un panorama de pure beauté, j’avais ici ce sentiment de contempler un des plus beaux endroits du monde.

Long de la baie

Carolles, mon étape de la journée, n’avait rien ni de très charmant ni de très intéressant. J’y trouvai une chambre d’hôte d’un confort minimal et une épicerie bien garnie. En demandant au caissier – dont les cernes et l’haleine me faisait dire qu’il aurait réponse à ma question – où est-ce que je pouvais boire une bière au village, il m’envoya dans un authentique bar PMU de ce qu’il y a de plus sordide. N’ayant pas le cœur à seulement y entrer, je pris de quoi pique-niquer et retournai en début de soirée prendre place à la cabane de Vauban. La vue sur la baie, la marée montante et le coucher de soleil sur la pointe du Groin furent mes compagnons de la soirée.

Le retour à Carolles fut assez impressionnant. Le sentier d’environ deux kilomètres passait en effet au bord de la Lude, une rivière en pleine forêt qui coule dans le creux de deux collines bien escarpées. Ainsi de nuit, sans aucune lumière artificielle ni lune et un très faible rayonnement des étoiles, je ne voyais qu’à peine mes pieds. Je rentrai donc presque à tâtons dans une obscurité totale et entouré des milles bruits aussi étranges qu’inquiétants d’une forêt la nuit.