Normandie et îles Anglo-Normandes, jour 8

Guernesey et Herm

Guernesey

Après la mer agitée de la veille, l’équipage était bien fatigué et nos marins le sentirent. Ils nous débarquèrent donc dès le petit déjeuner terminé et c’est avec délice que nous prenions une douche à la capitainerie. Ce monde des « gens du voyage sur la mer », comme disait Pierre, est très bien organisé. Les marins qui accostent ont à disposition dans chaque port de taille une laverie, douches et sanitaires et sans doute bien d’autres équipement que nous n’aurons pas vu. Ils s’y retrouvent entre amis, se connaissent et s’entraident.

La ville sur Guernesey est délicieusement British. Nous nous promenions dans les Candie Garden où nous profitions d’une exposition sur Victor Hugo, dont la maison sur l’île, habituellement visitable, était cette année en travaux. Quelques courses nous offrirent un peu de gastronomie anglaise et nous terminions par une petite ballade à pieds nus au bord de piscines océane qui se remplissent à marée haute et offrent aux baigneurs une baignade à l’abri à la marée. Le calme de cet endroit était très plaisant et, si la navigation m’intéressait au plus haut point – c’est pour cela avant tout que j’étais venu – m’attarder sur ces îles commençait à me faire envie. Passer ainsi de l’une à l’autre est riche de découvertes mais n’offre pas l’occasion de s’imprégner des lieux comme j’avais eu le bonheur de le faire au Mont-Saint-Michel.

Herm

La navigation du jour fût brève et simple. Il n’y avait pas de vent aujourd’hui et le temps était ravissant. Nos marins nous proposèrent d’en profiter pour visiter Herm, une minuscule île non loin de Guernesey, très sauvage et idéale pour une ballade en nature. Tout le monde acceptait avec enthousiasme, les plus malades de la veille soulagés de ce répit.

La traversée se fit au moteur et en moins d’une heure. Guernesey était toujours bien visible au loin, et Sark de l’autre côté. Notre mouillage, entre Herm et une petite île privée était un véritable petit paradis, loin de la houle et caressé par le soleil décuplé par ses reflets sur l’eau. Le tour complet de l’île prenait une heure trente de marche et une belle plage, la baie de Belvoir à l’abri du vent – il y en avait tout de même suffisamment pour nous rafraîchir – me permit même de me baigner. L’eau fraîche, le sable et l’eau turquoise, je ne me serais jamais attendu à pareil moment en allant faire de la voile en Normandie et octobre !

Herm

Comme par habitude, nous terminions au seul pub de l’île, le Mermaid, puis enchainions à bord du Spirit sur des bières brassées à Jersey même que j’avais ramenées de notre première escale. Cédric nous fit un petit cours théorique de navigation, nous expliquant quelques notions de la mécanique des fluides qui permet d’utiliser le vent pour avancer et résumant certains principes généraux de la navigation : définir un cap ou tenir compte des marées, du vent et des courants pour effectuer un plan de navigation. Nous apprenions notamment que demain, nous irions face au vent et qu’il nous faudrait donc tirer des bords pour avancer, ce qui implique, comme disent les marins, trois fois la distance, quatre fois le temps et cinq fois la peine.

En sortant sur le pont, un ciel étoilé et sans lune m’offrit un petit moment bienvenu de contemplation solitaire, bercé par le clapotis des vagues. Si le deuxième jour avait été extrêmement éprouvant, tant physiquement que mentalement, j’étais absolument ravi de ce voyage. Je pénétrais dans un univers fascinant qui m’intriguait depuis longtemps et j’avais la sensation de m’approcher un tout petit peu plus des récits qui m’avaient fait le plus rêver, de ces gens entretenant une relation si ambiguë avec l’océan. L’océan ne laisse personne indifférent ni serein.