Depuis la cabane des Vignettes
Allongé sur mon tapis dans l’obscurité de la nuit qui s’est installée à mon insu vient la pulsion d’écrire dans mon journal sans qu’aucun mot n’émerge. “Les mots limitent l’expression de la matière vivante”, j’ai entendu cette phrase dans la récente formation de Pilates orientée sur les fascias et la biotenségrité que je suis, ils résonnent. C’est une foule de ressentis, de nouveauté, de révélations, de découvertes qui tourbillonnent, et aucun mot pour me permettre de les exprimer.
Je passe mes soirées à me tâter, me caresser, me tapoter, me masser, éprouver chaque mouvement et ce qu’il induit dans la dynamique de ma posture. Un point entre deux os au-dessus de la cheville m’arrache presque un cri lorsque je presse dessus, il n’est plus là le lendemain. Je constate une différence de parfois presque 20° dans l’ouverture de mes jambes au repos. L’étirement de mes extenseurs du dos en m’enroulant remonte aux oreilles et descend dans les pieds. Je mets de la conscience en chaque os, chaque muscle, leur état, mon état. Curieuse expérience de faire connaissance avec moi-même. À part ma bite et mes trous de nez, je n’avais jamais pris le temps d’explorer mon corps. J’apprenais par cœur l’anatomie – et aussi vite oubliée – par des schémas obscurs et des noms. J’ai expérimenté des mouvements, observé leurs effets dans ma chair, incapable de faire le lien entre ces ressentis, les planches de Netter et les explications fonctionnelles.
Les mots n’ont eu aucune utilité dans mon appréhension du corps, voilà que ce journal est impuissant à m’accompagner dans le bouleversement qu’amènent ces heures passées en moi.