Une virée en ski de randonnée m’enchante de paysages montagneux. Redécouvrir la montagne en hiver débarrassée des foules décadentes des remontées mécanique me réconcilie avec la glisse, même si monter m’intéresse finalement plus que la descente. Reste que j’aime la simplicité, et la montagne ne l’est jamais. Je me sens bien dans un environnement avec lequel je peux cohabiter, même dans un équilibre totalement autre de celui que je connais. La nature pour vivre plutôt que pour combattre. Ces altitudes ne sont pas vivables sauf pour des excursions brèves, aventureuses. Buddy Longway me fait bien plus rêver que Le sommet des dieux.
Val d’Hérens
Randonnée matinale improvisée dans le bois de Chêne, une petite perle de forêt préservée et sauvage. Nous quittons au pied du Jura la brume qui tapisse la plaine pour trouver la chaleur timide d’un soleil levant d’hiver. C’est en chuchotant que nous slalomons sur le sentier entre les arbres dégarnis. Quelques chevreuils nous lorgnent pour évaluer le danger, s’enfuient finalement en sautillant sans conviction seulement après nous avoir offert un instant d’observation.
Bois de Chêne
Quelques jours plus tard, en montant la Dôle, un troupeau de chamois paît tranquillement à quelques mètres du chemin sans s’effaroucher des randonneurs. Le ciel laisse apercevoir avec une rare limpidité les sommets les plus lointains, le Cervin, la Dent Blanche que nous contemplions d’en dessous il y a une semaine.
St-Cergue
Quand en été rester à l’intérieur me paraît insupportable, c’est l’inverse qui se produit en hiver, je dois m’arracher au confort. Chaque sortie pourtant récompensée par un éblouissement de beauté.
La Dôle
Impression que le soleil ne se lève pas, temps gris, pluvieux, tiède, ciel sombre. Retrouver le bureau, l’ordinateur omniprésent, la sympathie des collègues et des étudiants. Cet étrange sentiment d’être libéré d’une responsabilité par cette servilité rassurante qui éloigne les interrogations gênantes. Ma journée est globalement gâchée, mais comme je n’y suis pour rien, aucun remors, je me venge en vivant plus intensément les quelques heures que je sauve.
Ballade dominicale sur le sentier des châtaignes.
Avec la France qui se remet en grève contre la réforme des retraites, j’entends partout qu’il faudra bien travailler plus longtemps pour la financer. Venant de médias (de droite), ce discours ne m’étonne pas, mais de mon entourage un peu plus. En parallèle, depuis des années, la fortune des ultra-riches augmente encore et toujours, comme les bénéfices des grosses entreprises. Plus rarement mentionné, le lien entre les trous dans les dépenses publiques et les inégalités qui se creusent. Contre le travailler plus, pourquoi ne pas taxer l’indécence ?
Gland
ChatGPT parvient à m’expliquer la différence entre l’anatomie classique et les nouvelles théories d’anatomie fonctionnelle en lien avec la biotenségrité, ainsi que les controverses. Il me sort quelques ouvrages importants sur la thématique, en oublie quelques autres, et ne parvient pas à me faire une bibliographie d’articles scientifiques, mais se rattrape en me proposant des mots-clés pour interroger une base de données, et les organise en une équation de recherche pertinente. En revanche, il ne distingue pas une base de données documentaire d’une plateforme d’éditeur, et botte en touche dès que je lui parle de fiabilité des sources. Il me construit en quelques secondes une structure de page web en HTML/CSS bien meilleure que celles que j’ai mis plusieurs heures à réaliser il y a quelques années. Un peu d’émerveillement, d’enthousiasme, accompagnés d’un petit frisson de terreur. Je me souviendrai sûrement de ce moment comme d’un tournant dans le monde, le jour où la recherche Google est d’un coup devenue dépassée.
Avec ces tests, la lecture de One minute, le visionnage de Westworld, et une pointe d’anthropomorphisme, je me demande si des IA se pencheront sur les archives humaines et se diront “C’est drôle, en plus ils l’avaient bien vu venir”… Et cette entrée de journal sera peut-être le comble de leur hilarité.