Journal – décembre 2020

1 décembre 2020

Relecture récemment de “Je ne suis pas médecin mais…” de Etienne Klein. J’en retire surtout qu’il faut un bon niveau de compréhension pour comprendre qu’on ne comprend pas grand chose. Je m’en rend compte actuellement pour le Pilates et le fonctionnement du corps humain. J’aime cette idée car elle pousse à l’humilité et à la modération : toujours être conscient que je ne suis pas conscient de tout. C’est aussi décourageant car plus je progresse dans un domaine, plus je réalise qu’une vie de pratique et d’étude ne suffira pas à faire le tour de quoi que ce soit. Et c’est aussi enthousiasmant pour tout curieux, c’est l’assurance de ne jamais être au bout de ses surprises.

A propos de ma formation de Pilates, que je réalise sans optique professionnelle, ma mère me dit “quand tu fais quelque chose pour toi, tu le fais pas à moitié !”. Je crois que j’aime arriver à ce stade où je suis à l’aise avec mes lacunes, longer le ruisseau jusqu’à la mer. J’ai déjà fait un joli voyage, je peux alors choisir de m’extasier devant cette étendue ou de prendre un bateau pour voir ce qu’on trouvera dans l’horizon. La métaphore est filante en ce qu’il faut abandonner pour prendre le large… là est toujours la difficulté.

5 décembre 2020

Mon ami de la bibliothèque me dit en résumé que les allopathes et les médecins alternatifs ne pourront jamais se comprendre car ils ont deux visions trop différentes de la santé et de la médecine. Là où l’un tente de guérir d’un mal, l’autre cherche un terrain favorable. A chaud, j’ai envie de l’hyper résumer ainsi : ne pas mourir VS vivre. Au delà de l’opposition, j’y vois surtout la complémentarité des deux approches. Toujours est-il que si ces deux courants ne peuvent pas se comprendre, moi j’aimerais bien essayer.

6 décembre 2020

Décision de publier mon journal sur mon blog. J’hésitais jusqu’ici mais je ne vois pas vraiment de raison de ne pas le faire, et plusieurs de le faire. A minima, ça nourrira des discussion avec quelques amis.

Fanny me dit qu’en le lisant elle voit une autre facette de moi. Elle a l’impression de lire quelque chose écrit par une personne torturée, déprimée et un peu perdue… je ne crois pas correspondre à cela. J’avais eu le même sentiment en lisant les journaux de Thierry Crouzet, je me disais que cet homme devait être très triste, jusqu’à le voir sur des photos où il sourit énormément, ou en m’éclatant de rire dans son livre L’homme qui ne comprenait pas les femmes. Forcément, un journal sert à exposer des vécus forts. Si je n’avais à écrire que les bonheurs simples du quotidien, pas sûr que je trouverais un intérêt à le tenir.

7 décembre 2020

On me propose une vidéo de Louis Fouchié que je regarde, il y est notamment question de la gestion de la crise du Covid par les autorités. J’ai beaucoup à redire, regrette que bien des éléments soient amenés comme des affirmations, et trouve les sources vraiment légères de la part d’un membre du corps médical. J’apprécie cependant énormément le ton posé, le message de bienveillance. Je me dis que je pourrais discuter avec ce gars.

Par contre, à la fin, un truc me sidère. Il sort une phrase : “Ne croyez pas à l’interprétation algorithmique du big data“. Ca sort de nulle part car il ne parle ni de big data ni d’algorithmique dans la vidéo. Je pense que peu de gens comprendront cette phrase, encore moins arriveront à faire le lien avec le sujet. J’imagine qu’il s’agit d’une maladresse de l’intervenant, un truc sorti d’une autre réflexion qui s’est fait une petite place ici sans qu’il y fasse vraiment attention…toujours est-il que cette phrase me dérange, comme un clin œil à une forme de paranoïa.

8 décembre 2020

Je crains de ne pas être un idéaliste. Lors d’une discussion à propos des politiques de vaccinations, on me dit qu’il y aurait plus de personnes que ce qu’on veut bien admettre pour qui les vaccins seraient inefficaces voir dangereux . A partir de ce postulat, il faudrait faire une anamnèse poussée pour évaluer si une personne est apte à recevoir le vaccin ou non, ce qui engendrerait des coûts énormes, donc on ne le fera pas même si ce postulat s’avère juste. Je comprends la logique, regrette les “pertes dans le troupeaux” mais aux vues de la collectivité, ça se tient. Et trouver cela normal m’indigne : notre société devrait mettre toutes ses richesses, tout son savoir, à limiter au maximum ces pertes (à l’échelle planétaire). On en revient toujours à l’économie qui n’est pas au service des gens. Défendre cela même en partie me fait me sentir endoctriné ou résigné, je ne sais pas lequel de ces adjectifs je déteste le plus.

La discussion se poursuit sur la perception des maladies infantiles entre allopathe et d’autres visions. J’avais lu je ne sais plus où que la médecine commençait à comprendre que des maladies jugées “bégnines” auraient des effets à long terme plus grave que ce qu’on imaginait. Un point de vue alternatif à la médecine : ces effets pourraient être plutôt positifs, la maladie faisant partie de l’éducation, de la croissance, et finalement plus formatrice que destructrice.

Et cette frustration encore, cette détresse de ne pas être capable d’évaluer le bénéfice/risque, de devoir choisir sans savoir, choisir un camp.

9 décembre 2020

Mon ami de la bibliothèque me conseille depuis longtemps de lire Michel Georget, référence dans la littérature critique des vaccins, ce que je n’ai pas encore fait. En cherchant des critiques de ses ouvrages, je n’ai rien trouvé de construit, rien qui ne le contredise. Une hypothèse que j’ai avancé à mon ami pour expliquer ce silence serait qu’étant professeur en classe préparatoire et pas chercheur spécialisé, personne du monde scientifique n’aurait pris la peine de s’y intéresser. C’est un peu comme s’il n’avait pas une légitimité suffisante pour qu’on s’y attarde. On n’attend effectivement pas des diététiciens qu’ils critiquent chaque recette miracle de régime amincissant.

Cette question de légitimité m’interpelle. En tant que bibliothécaire, j’ai souvent entendu qu’une clé pour juger de la fiabilité d’un ouvrage est justement l’expertise de son auteur. En l’occurrence, Georget est enseignant de biologie et a beaucoup lu sur les vaccins. Ce n’est ni un chercheur, ni un médecin. Est-il pour autant illégitime à se poser des questions ? Certainement pas. En revanche, à y apporter des réponses qui auraient plus ou autant de crédibilité que celles des experts du domaine… c’est une autre question (à laquelle je n’ai pas de réponse).

Dans ce débat entre Laurent Fouché et Martin Blachier, lorsque le médiateur demande à Fouché s’il reconnaît la légitimité de son confrère à parler d’épidémie, Fouché répond que tout le monde est légitime. Je trouve que cette phrase propose un raccourci délicat. C’est comme s’il ne reconnaissait pas qu’un épidémiologiste a plus à apporter que M. et Mme Tout-le-monde. Il faut accorder du poids aux expertises, tout comme il faut aussi bousculer les biais ou les œillères dans lesquelles elles mènent.

10 décembre 2020

Mur

Humeur grisouille du jour, saturation de nouvelles et d’info Covid. Au début j’avais peur de l’épidémie, après j’ai eu peur des conséquences économiques, maintenant j’ai peur des retombées politiques.

12 décembre 2020

Toujours sur Georget, je n’ai même pas pensé à regarder sur Google Scholar s’il est cité. C’est chose faite : pas grand monde et surtout des milieux alternatifs plutôt contestataires ou des études orientées sociologie. J’en tire juste qu’il y a bien un fossé entre le monde scientifique et ses ouvrages.

13 décembre 2020

Fanny rit parce que j’ai dit que j’avais fait de la permacuisine. Avoir du temps, en prendre pour mettre en valeur de bonnes choses, tirer tout ce que je peux de produits simples, on se retrouve avec beaucoup de résultats. D’un poulet et de quelques légumes du jardin : un moment en plein air pour me faire du bien, un moment en cuisine pour me détendre, des litres de bouillon savoureux, un poulet rôti, une tourte magnifique, du paillage pour le potager et le reste aux petits vers pour bientôt revenir au jardin en compost de première qualité.

Sentiment étrange que passer du temps à faire ça est un luxe exceptionnel dans ma semaine, mais que ça devrait être la norme.


Le collectif La ronce colle des affiches sur les panneaux publicitaires On veut des arbres, pas cette merde. Imagine ta rue si on remplaçait chaque affiche publicitaire par un arbre !

15 décembre 2020

Je me surprends à penser, malgré moi, à du personnal branding sur mon site. “Est-ce qu’ajouter une section Pilates ne va pas trop charger ?”, “Et pourquoi pas un module statistiques pour voir mes visites ?”, “Est-ce que ça fait pas un peu nombriliste de faire un journal ?”… Merde !

Les journaux et réflexions de blogueurs m’ont fait réfléchir ; des brasseurs partageurs m’ont permis d’apprendre cet art en autodidacte ; j’ai du plaisir lorsqu’un artiste partage ses dessins ; j’aime l’idée derrière un blog, un internet libre à s’approprier et échapper aux lois des plateformes. J’avais imaginé ce site comme un espace pour diffuser ce que j’avais envie de partager et ce qui peut être utile à d’autres. Je veux créer une caisse “servez-vous” devant ma porte, pas ouvrir une boutique dans mon salon.

Me voilà partagé entre l’envie de faire un joli site et celle de détruire toute l’apparence pour en faire une page utilitaire ultra-minimaliste en HTML bête et méchant. Difficile de se détacher des réflexes de quête de visibilité. Il faut garder en tête de ne pas faire ce que je ne ferais pas uniquement pour moi.

17 décembre 2020

Je réalise que j’ai peur de parler de vaccin dans ce journal parce qu’il est public. Je lisais dans le commentaire stupide d’un article, que ceux qui se disent “vaccins sceptiques” ne sont que des antivax qui n’assument pas. Il y a trop de polarité. Comme si Georget et Fouché étaient des noms soit à ne pas évoquer, soit à critiquer, mais surtout pas à prendre en compte dans une réflexion. Pour beaucoup, questionner = refuser.

Quand je prends un médicament, je lis la notice, je regarde les effets secondaires, je vais lire un peu et compare les sources. Si une controverse existe, je pèse le pour et le contre et choisis en conscience, en prenant bien sûr aussi des conseils de médecins. Quand je me fais vacciner, même topo. J’ai été piqué une vingtaine de fois par des tiques ces dernières années parce que je traîne dans les bois et que ces sales bêtes semblent particulièrement m’apprécier. Le pour et le contre d’un vaccin contre l’encéphalite a vite été pesé, ça ne m’a pas empêché de m’informer.

L’avis de médecins ont plus de poids dans mes décisions, ça ne veut pas dire qu’il faut étouffer les questions et les inquiétudes des autres, ni qu’il n’existe pas d’autre lecture possible. La lecture de cette interview de Claire-Anne Siegrist dans Le Temps me fait dire qu’il est possible de faire cohabiter plusieurs approches pour les enrichir plutôt que pour les comparer.

20 décembre 2020

Un brasseur de passage sur mon site me dit que je perds du temps à mettre en forme mes recettes, que je devrais balancer un fichier XML et que ça ferait aussi gagner du temps à ceux qui veulent les utiliser. Je répond qu’après avoir passé 2-3 heures à imaginer une recette, plus une douzaine pour la brasser, je peux bien passer 3 minutes à la mettre en forme.

Si l’idée de partager le fichier d’export de la recette pour permettre de l’importer sur un logiciel de brassage est bonne, ça me semble privilégier la rapidité – voir la précipitation – à l’art de brasser. Je ne vois pas trop l’intérêt de copier une recette. Il faudra de toute façon l’adapter à sa brasserie, à ses goûts, à ses envies du moment. S’en inspirer, même complètement, me paraît plus constructif, et il y a une sacré différence.

21 décembre 2020

Grande discussion avec des amis à propos notamment des cercles en lien avec l’ésotérisme, les théories complotistes, et même parfois les sciences. Malgré des approches plutôt diverses, nous nous retrouvons sur une gêne : la méfiance envers les gens plein de certitudes.

Qu’il s’agisse d’historiens avec des visions très précises de fragments d’histoire, de mediums avec des expériences et des vécus très forts, de complotistes affirmés ou de médecins, alternatifs ou non, ceux qui affirment là où il y a une sérieuse matière à questionner nous font peur. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir des fondamentaux sur lesquels on peut tous être d’accord, se retrouver et sur lesquels construire.

27 décembre 2020

Lecture de la nouvelle version de Etat des lieux, d’Antonin Gallo. Elle me fait exactement le même effet que la précédente, elle touche le même point sensible que je n’explique pas vraiment. Elle appuie sur quelque chose de très émotionnel. Ce n’est pas désagréable mais un peu de tristesse en ressort, j’associe ça à de la nostalgie. Les oeuvres qui arrivent à toucher sont finalement rares. C’est plus facile de faire réfléchir que de toucher.

Quelles autres oeuvres m’ont touché comme ça ? il n’y en a finalement pas beaucoup : Neon Genesis Evangelion, L’île au trésor et Voyage avec un âne dans les Cévennes de R.L. Stevenson, Star Wars, Mon père ce tueur de Thierry Crouzet, Dune de Frank Herbert, Tarzan de E.R. Burrough, A la croisée des mondes de P. Pullman, Nikopol de Enki Bilal, Moulin rouge de Baz Lurman, Matrix des Wachowsky, Final Fantasy X, Kaamelott de A. Astier. Difficile d’y trouver une logique, encore plus une explication.

28 décembre 2020

Vacances, mauvais temps, sorties fermées, j’ai du temps à revendre, c’est rare. Je replonge dans le tri/classement de mes archives familiales. Plonger est vraiment le mot juste. C’est comme explorer une narration qui n’a pas été écrite, dans laquelle je suis doublement impliqué car elle me concerne. Je suis souvent ému dans ce travail. Je découvre – ou redécouvre – mes ancêtres, certains que j’ai connu, d’autre moins ou pas du tout. Je comprends mieux certains traits de caractères, certaines réactions qui m’avaient étonnées. Je continue à faire connaissance avec des gens qui sont disparus. J’ai aussi un peu l’impression de leur rendre justice en archivant leur passage et j’espère pouvoir les passer plus loin à quelqu’un qui sera tout autant concerné.

30 décembre 2020

Julien Simon tweet sur le lien vital qu’il entretient avec la fiction. Il met du coup le doigt sur le point commun entre les oeuvres citées le 27 : elles ont toutes changé ma vie. Je pense souvent aux gens qui m’ont forgés en dehors de ma famille ou de mes relations directes, les rencontres pas forcément les plus intenses mais fortuites, comme ce prof charismatique ou cet adulte à un moment qui a trouvé les mots, la douceur ou la force, pour m’aider à avancer au bon moment, peut-être sans même s’en rendre compte. La fiction peut avoir le même rôle de jalon et être tout aussi déterminant.

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