Journal – janvier 2021

4 janvier 2021

Journée de brassage, de ce que je préfère, un stout. Ça sent le malt et le café dans tout l’appartement, il fait cette chaleur humide de l’ébullition. Je termine fatigué et tout collant, mais ravi.

5 janvier 2021

Le problème des réseaux sociaux est qu’ils sont conçus pour conserver l’attention le plus longtemps possible. J’aime les utiliser comme pause, il faut qu’ils soient dérisoires. L’envie de m’en défaire arrive dès qu’ils prennent plus de place. La parade : les rendre aussi peu attractifs que possible. Sur Facebook, je me suis désabonné de tous les comptes qui ne m’intéressent pas directement… me reste entre deux et cinq actus par jour, environs une minute de consultation. Pour Instagram, le problème est les suggestions, un flux sans fin et donc un piège facile.

6 janvier 2021

Bouffée d’anxiété en relisant mon journal de décembre avec l’optique de le publier. J’y vois la vacuité, le risque, l’exhibition, beaucoup moins de sens. L’impulsion avait été donnée par mon envie de débattre de sujets qui me tiennent à cœur. Il y a une part d’absurde avec l’impression que je ne fais qu’y dire “regardez comme je réfléchis bien !”, d’y enfoncer des portes grandes ouvertes. Pourtant, l’écrire m’a beaucoup apporté, mais pourquoi le mettre en ligne ? Pour essayer autre chose, pour imiter Thierry Crouzet ?

Peut-être que se montrer pousse la réflexion et la remise en question. Si je n’ose pas publier quelque chose, c’est que je ne l’assume pas et ça me fait y réfléchir. Et l’impression de n’avoir rien à offrir, ce n’est pas totalement faux, mais n’empêche pas d’y trouver d’autres intérêts.

Beaucoup de questions pour un blog que presque personne ne lit !

7 janvier 2021

J’ai une ergonomie exécrable sur mon poste de travail, me valant pas mal de tensions dans les cervicales. Je repense avec un peu de rancœur à une masseuse chez qui j’avais consulté pour des douleurs dans le dos. C’était une masseuse médicale, quatre ans d’études sérieuses et une solide connaissance de l’anatomie avec une longue expérience et énormément de compétences que je ne remets pas en cause. Je venais de me faire vacciner et elle a attribué sans réserve les tensions aux effets secondaires relatifs à cette piqure. C’est finalement une enseignante de Pilates qui m’a fait une brève analyse posturale. Elle a mis le doigt sur des déséquilibres et mauvaises habitudes, me permettant de mieux comprendre ma tenue et d’en corriger certains aspects.

La masseuse disposait de toutes les clés pour m’aider mais a oublié de le faire, obnubilée par sa propre crainte de la vaccination. Sans lui attribuer une quelconque responsabilité dans mon problème, je trouve intéressant de voir comme une peur a aveuglé une professionnelle bienveillante et lui a fait rater une cible facile.

8 janvier 2021

Pourquoi est-ce que j’écris un journal ? Je me pose cette question depuis que je me demande pourquoi je le publie. Après m’être envoyé un bon gros nuage de poussière, je découvre que ma première fois remonte à mes 13 ans, au retour d’un camp qui m’avait énormément impacté. En relisant, j’y ressens le besoin de marquer un jalon, de me mettre face à moi-même. Désir de mémoire, de note pour ne pas oublier. Je sentais tenir quelque chose de vital sans vouloir le laisser partir, l’expliquer pour l’intégrer, pour mieux le vivre. Tel serait le but de ces chroniques personnelles ? Poser une réflexion pour pouvoir construire dessus ? Ou peut-être simplement la peur de laisser des moments disparaître.

11 janvier 2021

Fin de la lecture du livre Les médecines complémentaires : dépasser les clivages de Bertrand Graz. Le leitmotiv est d’en finir avec le conflit pour amener à une médecine intégrative la plus complète possible. J’en retire surtout que la polarité qu’on observe dans les débats est loin d’être représentative. Foule de médecines considérées complémentaires ont déjà une place royale dans les hôpitaux, et bien des médecines complémentaires font leurs preuves avec des outils d’évaluation attribués à la médecine académique. Restent bien entendu des zones d’ombres qui pourraient être perçues comme des opportunités de découverte plutôt qu’en une opposition fratricide. Très bonne lecture.

13 janvier 2021

Je termine Soif, de Amélie Nothomb. L’impression de ne rien en tirer est d’autant plus frustrante que la thématique – revisiter les dernières pensées de Jésus – m’intriguait. C’est fade et sans profondeur avec foule d’affirmations m’évoquant “lisez comme je pense différemment de vous” qui ne sont que trop peu développées. Je m’attendais à toucher à du philosophique, à une élite intellectuelle et je réalise que les blogueurs que je lis ont une réflexion avec pas mal de coups d’avance et bien plus d’envergure.

16 janvier 2021

Un ami me retourne complètement la tête avec une analyse brillante des résistances envers le vaccin covid, les miennes et certaines que je constate autour de moi :

Je rejette ou critique bon nombre de comportements dans notre société que je considère comme des travers : culte de la compétition et de la rentabilité, consommation débridée, utilisation abusive de l’aviation pour des voyages courts, omniprésence de la voiture, suremballage… Le covid, bien que désastreux, a amorcé une révolution que j’estimais inévitable en stoppant la machine. Une part de moi l’espérait même peut-être. Il y avait ce constat : nous avons été trop loin, c’est le signe que nous devons changer nos habitudes.

L’arrivée du vaccin, portée en étendard comme la garantie d’un retour à notre monde d’avant, dit le contraire. Nous pouvons gagner contre cette pandémie et revenir à nos vieilles habitudes. Le message est clair, dès que tout le monde aura été vacciné, les avions pourront redécoller, le télétravail s’arrêter, nous pourrons voler en Grèce nous gaver de restaurants le temps d’un week-end ou faire une journée shopping à Barcelone ou Londres entre deux offres EasyJet.

Il y a bien entendu la réjouissance de l’arrivée de ce vaccin s’il peut aider à retrouver certaines libertés vitales, sauver des vies, nous permettre de revivre des liens sociaux et physiques sans barrière, voir le retour d’évènements culturels publics, relancer les entreprises en souffrances… Mais reste ce malaise, ce sentiment que le vrai problème n’est pas réglé, que la leçon n’est pas apprise. Le slogan tellement bien trouvé qui fleurissait au début de la pandémie Pas de retour à l’anormal dit tout.

Et au milieu de ça, une belle leçon d’égo. Ma résistance au vaccin vient-elle d’une méfiance justifiée ou d’un désir inavoué de voir le monde à genou ? D’une jouissance coupable qu’enfin les problèmes soulevés depuis longtemps et trop ignorés nous explosent à la tronche ? J’espérais que ce drame soit le déclenchement de quelque chose et ce vaccin, d’une certaine façon, nous permet de continuer de nous voiler la face. Je réalise avec amertume que j’ai aussi besoin de boucs émissaires.

21 janvier 2021

Je relis les mondes d’Edena, de Moebius. Ce cycle fait partie des livres lus dans ma jeunesse sans que je ne touche grand-chose à son propos. Ils avaient pourtant cette mystique, cette double lecture que je ne comprenais pas sans pour autant l’ignorer. Comme Dune, l’Incal, Bilal ou la Bible, ils me fascinaient parce que j’imaginais que les auteurs avaient un message infiniment profond à faire passer, quelque chose d’impalpable auquel j’espérai approcher sans penser y parvenir complètement. Avec une lecture d’adulte, certes moins idolâtre, je reste ébloui par l’intelligence de cette œuvre, sa puissance évocatrice, et je comprends ma fascination d’ado qui n’avait rien de naïve. La mystique rejoint totalement le développement intérieur, je ne peux pas aborder toutes ces thématiques sans être touché.

23 janvier 2021

J’ai tendance à me méfier des algorithmes destinés à me proposer du contenu pour l’impact qu’ils peuvent avoir sur ma manière de percevoir le monde. Ce que je prends parfois pour de la sérendipité n’est que trop souvent un calcul basé sur un effet de masse dont le seul objectif est de mieux conserver mon attention.

Il en existe pourtant un que j’attends, que je suis, parce qu’il me fait sans cesse découvrir de réelles nouveautés et qu’il me surprend en me sortant de ma zone de confort, les propositions hebdomadaires de Spotify. J’ai trois hypothèses pour expliquer cela :

-Il est très nul : j’écoute un morceau de Rammstein et il me propose du Wagner… parce que c’est aussi en allemand et que beaucoup de ceux qui écoutent de la musique en allemand aiment Wagner. Ça me semble improbable tellement c’est bête, d’autant plus que le fonctionnement des autres systèmes de proposition, par exemple ceux liés à une playlist thématique, s’avère beaucoup plus fin.

-Mes goûts musicaux n’ont tellement aucune logique que algorithme est perdu, du coup il propose de l’aléatoire. Passer de bande originale de film à du métal underground, puis Johnny Cash et de la danse irlandaise l’a peut-être largué. Je pense pourtant ne pas être le seul avec des goûts variés.

-Un algorithme proposant du contenu artistique doit aussi aller vers du neuf. Les concepteurs auraient compris que les internautes aux goûts variés cherchent la nouveauté et que la surprise est une plus-value.

Cette dernière me semble la plus probable et pourrait se rapprocher d’une saine sérendipité. Elle me gêne pourtant, car je ne peux pas croire qu’une telle plateforme ne se base sur aucun autre critère que l’élévation artistique de ses utilisateurs. Un ami m’avait dit un jour que celui qui n’aime pas Daft Punk finira par ressentir une certaine nostalgie, tant il passait partout et tout le temps à une époque. Cet algorithme a un pouvoir similaire, mais plus insidieux.

24 janvier 2021

Lecture de cet article de Toile de Fond à propos de Spotify. Cette plateforme créerait bien une bulle pour me proposer des découvertes, à partir de mes données qu’elle croise avec toutes les tendances d’écoute. En ayant un répertoire varié, j’aurais donc une grande bulle ce qui me permettrait de continuer la découverte sans me rendre compte de ses limites.

Il pointe aussi sur la perte de proactivité dans la recherche de nouveauté en musique. C’est peut-être la raison pour laquelle j’aime cet algorithme : je n’ai jamais été très proactif dans mes découvertes musicales. J’écoute ce que mes amis me conseillent, quand je lis quelque chose à propos d’un artiste ou d’un style.

Je fais le parallèle avec la lecture où, à l’inverse, je choisis bien plus minutieusement. J’aime quand on me propose un livre dont on suppose qu’il m’apportera quelque chose, qu’il a pensé à moi en le lisant ou que c’est une lecture importante pour lui qu’il a envie de la partager avec moi. En revanche, je déteste le cadeau “ça avait l’air sympa alors je te l’ai pris” ou “tu aimes la science-fiction, ça devrait te plaire”. Un lecteur, passif comme je le suis avec la musique, aura sans doute le même rapport avec les conseils d’Amazon que moi avec ceux de Spotify.

28 janvier 2021

Un ami me demande en résumé si publier mon journal viendrait d’une envie de me livrer davantage, et s’il n’y aurait pas là derrière un besoin de le faire oralement avec les personnes qui m’entourent. Il a raison bien sûr, mais ce n’est pas tout. L’écrit amène une autre forme de réflexion, un processus de pensée sur lequel il est aisé de revenir, permettant correction, recul, lenteur. L’oral est toujours spontané, maladroit et impulsif. C’est porter à son paroxysme l’expression tourner sept fois sa langue dans sa bouche, et ça n’offre pas le luxe de l’oubli ou les raccourcis du non verbal. C’est aussi une réflexion silencieuse, tranquille, pas forcément paisible, mais posée.

29 janvier 2021

Jubilation littéraire en plein Eratosthène de Thierry Crouzet. Je crois que je n’ai pas eu autant de plaisir à triturer mon cerveau à une lecture que depuis Dune. Comme le dit l’auteur, c’est un livre sur le passé qui parle du présent. On ne peut pas s’y contenter de recevoir, il faut être actif, méditer chaque chapitre dont la brièveté impose un rythme lent et délicieux.

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