Novembre 2022


Grosse frustration au constat que je n’arriverai pas lire Montaigne. Ce que j’ai compris de lui et sa démarche m’a passionné, la préface m’enchante, mais je bute dès les premières phrases, m’obstine quelques dizaines de pages puis abandonne. La langue est trop ancienne pour me passer des très nombreuses annotations. La lecture devient lourde, entrecoupée, déplaisante. Même si mon intérêt reste largement présent, le plaisir n’est pas de la partie. Je réalise que je lis par plaisir bien plus que pour nourrir mon intellect. Ce n’est heureusement pas incompatible.


Genève


Une des plus belles aubes de l’année illumine mon trajet en train. Dans un ciel bleu marine encore nocturne, des trainées cotonneuses de nuages rougeoient au-dessus d’un lac noir, se détachant en ligne d’horizon les crêtes poivre et sel des montagnes touchées par les premières neiges. La blancheur du soleil pointant efface petit à petit ces contrastes exubérants pour une clarté limpide et rayonnante.

L’émerveillement se décuple en voyant qu’il est partagé. Face à moi, un jeune gars autour des 16 ans, grand et mince, coupe afro, en tenue de basket malgré le froid, a laissé s’éteindre son smartphone. Il s’est perdu dans la fascination des couleurs du matin.

Découvrir l’affect de la beauté sur ce visage ouvert, en contraste des silhouettes rivées sur des écrans ou de quelques rares livres, est un réconfort. Si nous étions sur une plage de vacances, ce spectacle serait au centre de l’attention de tous, parcourus d’une émotion partagée. Ici, le quotidien l’occulte, il n’en est pourtant pas moins superbe.


Au milieu d’une semaine de protection civile, un gradé nous dit qu’ils réfléchissent à ne plus organiser de cours de répétition lors d’un évènement sportif comme la coupe du monde de football. Nous serions trop dissipés pour nous consacrer au service.
Voilà où en est cette institution. Plus d’une centaine de personnes, convoquées pendant une semaine pour huit formations d’une durée de trente minutes à deux heures. Des journées entières perdues, livrées à la volonté d’une hiérarchie rigide, incompétente et de mauvaise foi. Mais non, c’est le foot qui pose un problème.

Le tableau de la semaine : un immense réfectoire dans lequel sont affalés des dizaines d’hommes qui attendent, s’ennuient et regardent l’horloge dans l’espoir d’être libérés, résignés à une obligation citoyenne qui n’a plus de sens depuis longtemps. “Un jour, on avait été nettoyer une rivière, c’était bien, on s’était sentis utiles” évoque un astreint, et le gradé de répondre “oui c’est vrai, mais c’est compliqué à organiser”.

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