Svalbard, jour 7

Barentsburg

Pendant notre dernier déjeuner dans le tipi, un groupe de beluga passe près du camp. Il y en a plus d’une dizaine que nous entendons avant de voir. Nous prenons un peu de hauteur sur la moraine alors qu’ils passent près de la pointe de notre bras de fjord. Leurs dos blancs apparaissent, parfois une respiration dans un jet de brume sort de l’eau. A la jumelle, nous apercevons distinctement leur tête bosselée émerger pour replonger rapidement.

Nous plions le camp, rangeant nos affaires dans nos sacs étanches. Ils se retrouvent empilés en un grand tas sur la plage pour être cette fois embarqués non pas sur la coque éclaboussée de nos kayaks, mais dans le zodiac qui nous ramènera à bord. Nous savourons encore quelques pas autour de notre camp, sous un beau soleil avec la vision du bateau à l’horizon qui vient nous chercher.

A bord, on nous accueille avec un barbecue tristement célèbre. Il aurait en effet déclenché quelques années plus tôt un feu à bord alors que le cuistot essayait de la démarrer avec un bidon d’essence. Surpris par la flamme, il aurait lâché le combustible, le laissant s’enflammer ainsi que tous les bagages de l’équipe à bord. Nous remarquions en effet que l’équipement anti-incendie semblait très neuf. Nous mangions un steak de baleine, viande tendre au goût prononcé de foie de veau, un saumon délicieux et une côtelette de porc. Plus de viande que durant toute la semaine précédente, avec un arrière goût coupable en goûtant la baleine que je préférais largement voir nager que griller.

Bien que quasiment seuls voyageurs, nous sommes à bord d’un bateau de ligne. Il ne nous ramène pas directement à Longyearbyen mais nous permet de visiter Barentsburg, ville minière soviétique. Environ 300 personnes y vivent, quelques mineurs et beaucoup de scientifiques. Quelques rares bâtiments anciens ont échappé à la destruction totale par les Allemands durant la seconde guerre mondiale, alors que les soviétiques construisaient la ville, et contrastent avec des bâtiments modernes et utilitaires. L’importance de l’infrastructure jure avec le nombre d’habitants : une immense salle de sport, de grands bâtiments administratif, poste, école, mairie. Un buste de Lénine, copieusement couvert de guano, indique le centre-ville, comme dans toute ville russe, nous explique la guide. Elle nous offre l’histoire du Svalbard point de vue Russe, découvert par les Pomors au 17e siècle. Nous avions la version officielle, la version Norvégienne qui met en avant une présence viking à priori non attestée, et finalement la version Russe.

Nous buvons une bière de Red Bear, première brasserie la plus au Nord (il y en a une autre à Longyearbyen désormais qui lui a volé le titre de “plus au nord”), une Stout et une IPA qui passent divinement bien. Selon la coutume norvégienne, nous devons enlever nos chaussures en entrant, une pratique que je trouve délicieuse bien que présentement gênante après 10 jours sans se laver.

Nous embarquons à nouveau pour longer des falaises jusqu’à Longyearbyen, observant quelques guillemots et même un couple de macareux sur le trajet.

Arrivés à l’hôtel en fin de journée, nous nettoyons les combinaisons de kayak et savourons une douche salutaire. Une pellicule grasse nous couvre de la tête aux pieds, je ne l’avais pas remarqué jusqu’à présent. Nous prenons un repas entre nous bien sympathique. Et pour balancer le confort retrouvé avec plaisir : les bâtiments surchauffés, la profusion… un sentiment d’absurdité lié à la civilisation que je n’arrive pas si bien à expliquer mais qui revient après chaque expérience de ce type.