Normandie et îles Anglo-Normandes, jour 1

L’aller

Passage par Paris

Je ne voyais ce changement de gare que comme une contrainte propice à me faire rater une correspondance. Pourtant, passer de la gare de Lyon à celle de Montparnasse fut une bien agréable pause au milieu de ces heures assises.

Dès l’entrée dans le bus, les noms de lieux mythiques entonnés par la voix métallique me transportaient. Si j’y ai été enfant, je connais Paris sans la connaître. Ville légendaire visitée dans les pages de livres, à d’autres époques, avec d’autres rêves. Capitale de la poésie et du romantisme, je crains un peu de la visiter et de n’y voir qu’une ville comme les autres. Mais un passage rapide suffit à développer cet imaginaire. J’y retrouvai en pensée mes compagnons du moment, Rodolphe, Shaunard, Colline et Marcel qui me distrayaient fort bien durant ces longues heures de trajet. La réputée mauvaise humeur des parisiens me fit même sourire alors que, encombré de mon gros sac à dos dans le bus bondé et m’attirant ainsi bien de l’animosité, je m’imaginais comme un de ces bohémiens turbulent, ravis de faire grogner le bourgeois. Et, voyant par la fenêtre un squat sur lequel était tagué en grosses lettres roses « l’amour gagne toujours », quelques notes d’un joyeux accordéon résonnèrent dans ma tête.

Je n’aperçus pas la tour Eiffel, mais trouvai mon train à l’heure, ce qui est déjà pas mal.

Pause à Rennes

J’ai surtout découvert le Bretagne avec la musique, Tri Yann, Soldat Louis, Capercaille, Alan Stivell, etc. Aussi, c’est la tête pleine d’un florilège de chansons que me baladais dans Rennes durant l’heure et demie accordée par ma correspondance. Chaque évocation, blanche hermine, O’Breizh, et j’en passe, enrichissait ma playliste mentale. Comme quoi, un voyage peut commencer bien avant le départ.

J’avais le choix entre boire une bière ou aller jusqu’à la cathédrale. Je choisissais la culture, qui m’offrait en plus l’avantage de dégourdir mes jambes. Rennes fut un cadre ravissant de promenade. Les places anciennes ponctuent les petites rues pavées bordées de maisons penchées et en colombage. Mon gosier râlait car je croisais plusieurs bars gravement atteints par la mode des bières artisanales et dont les terrasses en pleine rue tendent les bras aux flâneurs. J’aurais aimé y passer plus de temps – et pas uniquement pour les bières, la ville est charmante – mais un train n’attend pas.

Arrivée

Le dernier tronçon de train passa très vite, il fut contemplatif. La lumière rasante chaude des soirées d’automne illuminait un paysage de petits villages, de champs de maïs secs et de forêts. Me voici en Bretagne. Le train se vidait à Dol et nous n’étions que trois dans un minuscule TER pour terminer le voyage. Je descendis à Pontorson, à une dizaine de kilomètres du Mont-Saint-Michel, dans une minuscule gare bordant un petit village. S’il n’est pas laid, il n’a que peu de charme. La proximité du Mont se sentait par l’abondance de boutiques, de restaurants et d’hôtels.
Je pris ma chambre au XIV et bus une bière après un tour rapide – il serait difficile de faire autrement – du village. Le coucher de soleil m’offrit une lumière magnifique et une chaleur agréable pour accompagner mon apéro solitaire. J’y dégustai une Croix des Grèves, blonde toute en légèreté avec un joli fruité sur une belle assise maltée. Comme les bières bretonnes déjà dégustées, celle-ci me fit penser à leur gastronomie, biscuit et beurre, tout en douceur et d’un plaisir simple.

Eglise de Pontorson

Le repas au XIV fut très bon : une saucisse d’agneau de la région avec une bolée de cidre tout aussi local. Le patron des lieux me tint compagnie et nous discutions un moment. Il m’apprit un peu les dérives touristiques de la région, avec les enseignes qui deviennent des chaînes « usines à touristes » et me donna quelques tuyaux pour le Mont-Saint-Michel.

Je terminai avec un cigare sur la terrasse en cour intérieur, en compagnie d’une ravissante husky très câline, qui resta jusqu’à ce qu’elle ait compris qu’elle n’aurait rien à manger.